Plus d’un mois s’est écoulé depuis le Quai du Polar de Lyon, mon emploi du temps se calmant un petit peu, voici l’occasion pour moi de revenir sur mon expérience de jeune auteur à cette immense manifestation dédiée au livre policier.
J’avais eu l’occasion de passer l’an dernier, lors de l’édition précédente, au Palais de la Bourse (lieu central de la manifestation qui se déroule dans toute la ville). J’avais déjà été impressionné par l’ampleur du festival. Venu pour assister à une conférence d’un scénariste de série américaine, j’avais alors profité de quelques minutes de latence pour découvrir comme beaucoup d’autres visiteurs les nombreux auteurs en dédicace, les grands stands dressés par les librairies et les maisons d’éditions. A l’époque je n’avais encore qu’un manuscrit d’un livre policier à caractère humoristique et ne savait trop à qui l’adresser. C’est là, que j’ai vu pour la première fois Jean-Luc Tafforeau des Editions A.O., mon futur éditeur, qui m’incitera à lui envoyer par mail, le premier chapitre de mon roman portant pour titre alors à l’époque « Un polichinelle dans le terroir » (désormais titre d’un chapitre).
Et c’est avec un immense bonheur et une certaine fierté que pour l’édition suivante, me voici de l’autre côté, en dédicace pour mon premier roman intitulé désormais « A qui profite le kir ? », passant ainsi du statut de lecteur/visiteur, à celui de jeune auteur. L’impression n’est pas moins grande, le nombre de visiteurs, les grands noms des auteurs ou des grandes maisons d’édition, la presse… J’ai un peu la sensation d’être à la grande messe du polar où tout ce qui compte le roman policier s’est donné rendez-vous pendant trois jours ici.
Et en même temps, il y règne une atmosphère festive, familiale et passionnée. Un étrange mélange de folie et de travail que l’on ne retrouve que dans les grands festivals, et dont j’ai déjà goûté avec exaltation à Avignon (pour le théâtre) ou à Clermont-Ferrand (pour le court-métrage).
Je suis impressionné d’être là. Dans ma communication, en clin d’œil, j’invite mon réseau à se rendre au festival international du Quais du Polar de Lyon 2015 pour rencontrer notamment John Grisham, Virginie Despentes, Yasmina Khadra et bien d’autres, mais aussi de découvrir de nouveaux talents émergents. Me mettre à côté d’auteurs qui m’ont transporté en tant que lecteur et dont la réputation n’est plus à faire a de quoi me faire tourner la tête.
La réalité dépasse la communication, accueilli par mon éditeur et la librairie Le Bal des Ardents, je découvre les noms de mes voisins en dédicace. A ma droite sur les livres de jolis bandeaux jaunes avec la mention « Prix du quai polar 2007 » :
Francois Boulay, auteur émérite (un des dix écrivains donc à avoir reçu le prestigieux prix quai du polar) et surtout comme je le découvrirai au cours de la journée surtout un sacré personnage. A ma gauche, une immense pile de livre de, excusez du peu, un certain Michael Connelly. Y a pire comme premier quai du polar ?
L’après-midi n’est alors qu’une belle suite de rencontres. Je suis autant surpris qu’heureux devant le florilège de lecteurs passionnés, pressés de rencontrer leurs auteurs, d’échanger avec d’autres lecteurs sur leurs coups de cœur et avides d’en découvrir d’autres. A l’image de cette lectrice qui m’abordera en s’écriant : « Je ne vous connais pas ! ». Avait-elle l’ambition de lire ou d’avoir lu les cent auteurs en dédicaces, je ne sais. Elle sera en tous cas une de mes premières dédicaces, achetant mon livre autant pour la démarche de soutenir un auteur de premier roman, que pour notre bel échange.
Car comme j’ai déjà pu l’expérimenter lors d’autres salons, l’échange entre l’auteur et le lecteur est aussi, sinon plus important que le livre lui-même. J’en veux pour preuve, cette lectrice qui nous achètera à François Boulay et à moi-même nos livres avec cette phrase : « J’espère que vos livres sont aussi bons que vous. Et si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave, vous m’avez bien fait rire et j’en ai vraiment besoin en ce moment ». Il faut dire qu’avec François, nous faisons l’animation.
C’est un truculent personnage qui est heureux de trouver du répondant chez moi. Haut en couleur, du haut de ses 77 ans, il séduit, houspille, se plaint, signe à tour de bras. Rapidement, il me prend sous son aile, me présente, malmène gentiment ceux qui s’approchent de nous, me présentant tour à tour comme son fils, son agent et même son amant. Tout en draguant ouvertement les lectrices qui se présentent à lui, mais aussi à moi. Comme cette jeune femme timide pour lequel je dédicace mon roman et dont François s’amusera à faire rougir : « Vous êtes charmante. Gaël ne peut pas vous le dire, même s’il le pense très fort. Moi je peux, je suis vieux. Alors, je le fais pour lui. »
En plus de l’animation, François aura surtout la générosité de vendre mon roman. Au grand nombre de personnes qui s’approchent de notre table, attirés par le bandeau jaune du « prix du Quai du polar », il n’aura de cesse de promouvoir mon thriller. J’ai la chance qu’avant le salon, il l’ait lu et l’ait surtout aimé, et j’ai vraiment apprécié qu’il me fasse généreusement profiter de sa notoriété.
L’après-midi se déroulera ainsi à toute vitesse, dans un tourbillon de vie, d’écrits et de partage autour de celui-ci. Je ne m’arrête pas. Tout juste y a-t-il un moment de flottement à l’arrivée de Michael Connelly. Une queue se forme. Un court instant les tables se vident. En curieux, j’observe cet homme discret accompagné de son traducteur, qui dans un protocole très américain arrivera à 15h00 précise et repartira à 18h00 pile.
Mais très vite la ruche reprend son activité et si elle a ses princes ou comme moi de plus modestes disciples, c’est bien le polar ici qui en est la seule reine.
La journée s’achèvera dans cette ivresse d’avoir été au cœur de l’écrit, d’avoir contribué à ma petite échelle à cette grande messe du polar, participant avec un grand plaisir à cette communion autour du plaisir des mots et du suspens. Hâte d’y retourner, de poursuivre ces premiers pas d’un chemin que j’espère encore riche et long.
Mais la journée n’est pas tout-à-fait terminé, et juste à peine le temps d’apprécier, qu’il me faut déjà changer d’univers. Merveille des collusions d’agenda, le soir, je quitte rapidement la casquette d’auteur pour celle de coach pour un match d’improvisation… après le roman, l’écriture de l’instant.